lundi 8 mai 2017

Six hommes français saisissent la Cour des Droits de l’Homme pour des Contrôles Discriminatoires



Six jeunes Français, qui ont subi sur le territoire français des contrôles de police discriminatoires et fondés sur des critères raciaux, ont saisi à ce sujet la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Cette affaire met en relief l’inaction des autorités françaises, toujours d’actualité, lorsqu’il s’agit de remédier aux pratiques policières abusives visant les minorités visibles. 

Ces six jeunes hommes font partie d’un groupe de treize personnes dont les requêtes ont été précédemment entendues en France par la Cour de Cassation. 

Chacun de ces individus a été abordé par la police alors qu’il menait des activités quotidiennes et banales (sortir d’une station de métro, converser avec un ami), et s’est vu contraint de présenter sa carte d’identité avant de subir palpations et fouilles.

En novembre 2016, la Cour de Cassation a formellement admis que la législation contre les discriminations s’appliquait aux actions de la police. Il s’agit là d’une avancée majeure sur le plan juridique, qui devrait conduire à une évolution des procédures policières en France. 

Sur le plan individuel, néanmoins, les juges, s’appuyant sur une interprétation excessivement restrictive de la jurisprudence nationale et européenne, ont rejeté les requêtes des six personnes qui font aujourd’hui appel auprès de la CEDH.

Plus précisément, en dépit des éléments de preuve significatifs qu’ils ont produits, y compris des attestations de témoins et des enquêtes rigoureuses mettant en évidence une tendance à la discrimination de la part des forces de l’ordre, la cour a jugé que les requérants n’avaient pas été en mesure de remplir la charge de la preuve qui leur incombait, et de démontrer ainsi le caractère discriminatoire du traitement subi. 

Cette norme par trop stricte quant à l’établissement de la preuve prive donc les requérants, comme de nombreuses autres victimes de pratiques discriminatoires en matière de contrôles, palpations et fouilles, de toute voie de recours.

Dans leur requête, les six jeunes hommes avancent que le traitement dont ils ont fait l’objet représente une discrimination, en violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’une ingérence dans leur vie privée et leur liberté de mouvement, protégées respectivement par l’article 8 et l’article 2, protocole 4 de cette même convention.

Ils demandent également à la Cour de contraindre la France à prendre des mesures pour remédier à ces pratiques, et garantir aux autres victimes des voix de recours efficaces.

Les six requérants sont représentés devant la Cour par leurs avocats, maîtres Slim Ben Achour et Félix de Belloy, ainsi que des avocats de l’Open Society Justice Initiative.

Cette requête a été déposée auprès de la Cour en même temps qu’une requête distincte, contre l’Espagne, qui touche également à la question des contrôles de police discriminatoires. 

Le requérant, Zeshan Mohammed, un citoyen pakistanais disposant d’un titre de séjour en Espagne, a fait l’objet d’un contrôle de police discriminatoire à Barcelone en mai 2013. Cette autre affaire est également portée devant la Cour par des avocats de l’Open Society Justice Initiative. 

L’Open Society Justice Initiative s’efforce de promouvoir des pratiques de maintien de l’ordre justes et équitables, notamment au moyen de procédures judiciaires en France, en Espagne et au Royaume-Uni, ainsi qu’au travers d’activités de recherche, de mobilisation et de plaidoyer, et de partenariats avec les forces de l’ordre et des groupes issus de la société civile.

Les six requérants.

Sur une période de 10 jours en 2011, Karim T. a subi trois contrôles par les forces de l’ordre, sans aucune explication de leur part, alors qu’il se promenait en centre-ville avec des amis, et s’est vu à chaque fois forcé de présenter ses papiers d’identité, puis palpé et fouillé en public. 

Lors d’un de ces contrôles, on les ainsi contraints, lui et ses amis, à se mettre en rang contre un mur, bras et jambes écartés, et on leur a ordonné de « fermer [leurs] gueules » pendant que les policiers les palpaient de la tête aux pieds. Karim T. a également été violemment giflé par l’un des agents, qui lui a fait remarquer : « t’es trop gros, faut maigrir, va faire du sport ».

Deux autres requérants, Lyes K. et Amine D., étaient en conversation devant leur domicile de Vaux-en-Velin, une banlieue pauvre de Lyon, lorsque quinze policiers les ont encerclés et ont demandé leurs papiers avant de leur imposer une palpation. 

Lorsque Lyes leur a demandé pourquoi ils étaient si nombreux, l’un des agents lui a répondu « qu’eux quand ils sont quinze, ils portent leurs couilles, mais quand ils ne sont plus que deux, il n’y a plus personne ». 

Bocar N., quant à lui, sortait tout juste du domicile de ses parents, à Saint-Ouen, près de Paris, pour accompagner sa sœur cadette, lorsqu’il a été contrôlé. Bien qu’il n’ait offert aucune résistance, il a été plaqué contre un mur par un agent, qui l’a menacé de le « tazer ». 

Dia A., accompagné de son cousin, revenait d’effectuer une petite course pour un membre de sa famille, lorsqu’il été contrôlé par quatre agents de police en civil, surgissant d’une voiture banalisée qui s’est garée à leur hauteur. 

Les policiers ont ordonné à Dia de vider ses poches, et d’enlever l’un des deux pantalons qu’il portait à cause du froid. Le dernier requérant, Mounir S., sortait d’une station de métro à Lille avec un ami lorsque la police l’a isolé de la foule pour lui faire subir un contrôle.

Ces contrôles, ainsi que les mauvais traitements qui les accompagnent, sont révélateurs d’une réalité bien établie, qui touche la vie quotidienne et les déplacements de nombreux jeunes issus des minorités visibles en France, souvent dès l’âge de douze ans. 

En 2009, une enquête effectuée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur cinq emplacements parisiens a ainsi mis en évidence que les personnes perçues comme « noires » avaient entre 3,3 et 11,5 fois plus de chances d’être contrôlées que celles perçues comme « blanches », tandis que les personnes perçues comme « arabes » couraient entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques d’un contrôle que les « blancs ». 

Une enquête plus récente, menée à l’échelle nationale par le Défenseur des droits, et publiée en janvier 2017, concluait que pour les « hommes jeunes, perçus comme noirs ou arabes/maghrébins », la probabilité d’un contrôle était vingt fois plus élevée que pour le reste de la population. 

Un chiffre qui suggère la possibilité d’une hausse de ces pratiques au cours du quinquennat de François Hollande.

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