samedi 8 juin 2013

RECETTE POUR UNE DISCRIMINATION ASSURÉE


Le rapport L’Egalité Trahie : L’Impact des Contrôles au faciès publié le 25 septembre dernier par Open Society Justice Initiative focalise lui aussi sur l’article 78-2 du Code deProcédure Pénale.  Le rapport note que la nature floue et permissive de ces dispositions ouvre la porte aux contrôles d’identité discriminatoires. Voici la section de ce rapport qui décrit le problème :


UNE POLICE QUI A LES MAINS LIBRES ET N’A PAS DE COMPTES À RENDRE :

RECETTE POUR UNE

DISCRIMINATION ASSURÉE



Dans l’état actuel du droit français, quatre normes juridiques distinctes autorisent le recours aux contrôles d’identités. Une seule d’entre elles astreint les agents à faire état de soupçons spécifiques pesant sur l’individu contrôlé. Dans ce dernier cas de figure, les agents sont autorisés à effectuer un contrôle dès lors qu’ils disposent d’une ou de plusieurs raisons de soupçonner, en fonction du comportement d’un individu particulier, que celui-ci a commis, tenté de commettre ou s’apprête à commettre un délit.

Mais les trois autres dispositions des lois existantes permettent aux policiers d’effectuer des contrôles indépendamment de tout critère comportemental, et sans avoir à justifier leur choix de contrôler tel individu plutôt qu’un autre. Ils ont le droit d’effectuer des contrôles à des fins de « prévention des atteintes à l’ordre public », ainsi que dans les zones de transport international (gares ferroviaires et routières, aéroports, etc.), sans que ces contrôles ne se fondent sur le comportement suspect d’un individu. Les procureurs peuvent également désigner des secteurs dans lesquels, pour une période de temps déterminée, les policiers peuvent effectuer des contrôles d’identité, là aussi indépendamment du comportement des individus visés.

Ces règlementations floues et permissives sont la porte ouverte aux contrôles d’identité discriminatoires.

En outre, aucune disposition juridique écrite n’encadre les conditions dans lesquelles palpations et fouilles corporelles peuvent être effectuées. Les policiers n’ont pas à se justifier de ces contrôles plus intrusifs auprès des individus qui les subissent.

De ce fait, les individus concernés n’ont le plus souvent pas la moindre idée des raisons pour lesquelles ce contrôle est tombé sur eux, et il leur est donc difficile, sinon impossible, d’en rendre redevables les agents responsables, ou bien leurs supérieurs. Si certains contrôles donnent lieu à une saisie dans les fichiers internes de la police (c’est le cas, par exemple, lorsque les pièces présentées par la personne contrôlée font l’objet d’une vérification dans les bases de données officielles, ou, systématiquement, lorsque le contrôle donne lieu à des suites administratives et judiciaires, telles qu’une amende ou une arrestation), la plupart ne sont consignés nulle part. D’une façon générale, l’enregistrement des contrôles reste partiel, et non accessible à une évaluation externe.

Ainsi, un grand nombre de contrôles policiers ne laissent pas la moindre trace. Il est alors quasiment impossible pour les personnes contrôlées de prouver que le contrôle a bien eu lieu, sans même parler d’obtenir réparation lorsque l’exercice de leurs droits fondamentaux en a été entravé. En l’absence de données fiables, la hiérarchie policière n’a aucun moyen de s’assurer que la pratique des contrôles respecte, à la lettre comme dans son esprit, la loi en vigueur, ni de vérifier l’efficacité de cette stratégie en termes de maintien de l’ordre. Elle est également impuissante à mettre en place, face à des manquements manifestes, les réponses et réformes nécessaires. Dans le cadre d’une bonne gestion du travail de la police, il est pourtant essentiel d’assurer un suivi régulier du fonc- tionnement des services et du recours aux prérogatives policières, afin de mobiliser les ressources de l’institution de manière efficace. L’absence de responsabilités claires a donc de lourdes conséquences.

Tout un chacun reste profondément attaché à bénéficier d’un traitement juste et équitable. Lorsque les individus font l’expérience d’un maintien de l’ordre qui leur paraît équilibré, leur confiance dans l’institution s’en trouve renforcée, et ils se rangent davantage du côté de la loi, parce qu’ils se sentent partie prenante dans le système de valeurs que reflète un travail de police juste et efficace.

En revanche, lorsque les activités policières sont perçues comme injustes et biaisées, les gens n’ont plus confiance dans la police, qui perd toute légitimité à leurs yeux. La population n’apporte plus son soutien aux policiers, et devient peu encline à coopérer avec eux, ce qui peut avoir de graves conséquences en termes d’ordre public.

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